[ARCHIVE] Moi(s) sans tabac : les infirmiers libéraux ont un rôle à jouer !

Publié le Vendredi 2 novembre 2018 - Mis à jour le Mardi 25 août 2020

Première cause de mortalité évitable en France, le tabac tue 78 000 personnes chaque année. Pour endiguer ce fléau de santé publique, novembre a été désigné « Moi(s) sans tabac » à l’automne 2016 et prend, depuis, des airs de défi collectif. Objectif : 30 jours sans cigarette… pour conduire à un arrêt définitif du tabagisme. Conseil, accompagnement, prescriptions… Les IDEL sont en mesure d’apporter des réponses efficaces.

Alors, pour le mois de novembre, engageons-nous dans la lutte contre le tabac en informant, conseillant et éduquant nos patients.

Infirmière libérale depuis déjà 18 ans, Carole Rossignol, qui est aussi tabacologue, propose sur les secteurs de Nîmes et Lodève, un accompagnement dans la lutte contre le tabagisme. Pour mener ses patients vers l’arrêt du tabac, elle déploie plusieurs méthodes : « L’important, c’est de parvenir à déterminer laquelle est la plus adaptée à l’individu. Il faut raisonner au cas par cas », confie-t-elle.

Afin d’évoquer ces questions et d’y voir plus clair sur le périmètre de notre intervention, l’URPS a interrogé une infirmière libérale du territoire spécialiste de ces questions : Carole Rossignol, tabacologue installée à Nîmes.

De quels outils peuvent disposer les IDEL dans le cadre de Moi(s) sans tabac, comme pendant le reste de l’année d’ailleurs ?               

Je commence par le geste le plus simple qui soit : encourager ses patients comme leur encourage à consulter la plateforme Tabac Info Service, disponible via un site Internet, mais aussi sur application mobile ou par téléphone au 39 89. L’accompagnement personnalisé peut commencer là ! On y est écouté, conseillé...

De façon encore plus pro-active, je rappelle aussi que la loi de modernisation de notre système de santé a élargi le droit de prescription des infirmiers aux substituts nicotiniques (TNS). Tous les infirmiers salariés ou libéraux peuvent donc les prescrire et assurer ainsi pleinement leur rôle d’éducation et de promotion de la santé. Beaucoup l’ignorent, mais l’Assurance Maladie rembourse (sur prescription uniquement et sur la base d’un plafond annuel) les traitements par substituts nicotiniques comme les patchs, gommes, pastilles, inhalateurs... Certaines mutuelles interviennent aussi en complément.

À savoir ! Les substituts nicotiniques augmentent de manière significative le taux d’arrêt du tabac à 6 mois. Pour les autorités de santé, l’enjeu est de mobiliser l’ensemble des professionnels de santé afin de faciliter l’entrée des fumeurs dans la démarche d’arrêt.

En tant que professionnels de santé, on imagine les infirmiers libéraux à la pointe concernant la prise en charge et la lutte anti-tabac.

Pourtant les infirmiers ne maîtrisent pas nécessairement toutes les problématiques liées à la tabacologie ni la liste entière des TNS. Cela nécessite, en complément de ses acquis initiaux, de se former, de se perfectionner ou de se spécialiser, comme je l’ai fait moi-même d’ailleurs, par des formations de développement professionnel continu (DPC) ou des formations dédiées à 100% à la tabacologie. Pour intervenir efficacement auprès du patient, on ne peut pas se contenter de dire « fumer, c’est mal ». Se former, c’est acquérir des connaissances concernant la prise en charge de la dépendance à la nicotine, la prescription, le sevrage, le fonctionnement et même les possibilités de prise en charge financière des substituts nicotiniques. C’est également savoir rassurer, donner confiance et définir la bonne posture pour susciter le désir de changement chez le patient fumeur. A ce sujet, je rappelle que tout IDEL est en mesure de donner ce qu’on appelle « le conseil minium », qui consiste à interroger sans juger. Un simple « Vous fumez ? Avez-vous déjà envisagez d’arrêter » peut servir de déclencheur.   

Pourquoi vous être spécialisée sur cette question ?

Je suis infirmière depuis 18 ans. J’ai toujours attaché une grande importance à l’humain et l’aide que je pouvais apporter à l’autre. Ces années d’expérience ainsi qu’une démarche de développement personnel m’ont permis de comprendre que je pouvais être utile autrement, par ma capacité à résoudre une difficulté et aider mon prochain à faire face à une situation qu’il juge « insurmontable ».

Comment intervenez-vous ?

J’exerce mon activité de tabacologue en cabinet libéral, je participe à des projets d’éducation thérapeutique (ETP) et je propose, aussi, des formations à l’attention des professionnels de santé sur la prise en charge de la dépendance au tabac. La formation continue est pour moi très importante car elle me permet de partager d’autres pratiques professionnelles et d’étoffer la palette d’outils que je peux utiliser pour accompagner mes patients dans leur souhait de vivre sans fumer. Une partie de mon travail consiste à calmer le manque physique et éviter les désagréments qui l’accompagnent. L’histoire avec le tabac étant souvent longue et complexe (béquille, « compagnon de vie »…), le soutien psychologique permet à un fumeur de comprendre pourquoi il fume et l’amène ainsi à dénouer sa relation avec la cigarette. Il doit aussi pouvoir l’aider à apprendre à vivre autrement, sans fumer. Même après plusieurs tentatives infructueuses. Essayer plusieurs fois d’arrêter, c’est presque une étape logique.

Ecoute, substituts… Y a t il d’autres outils ?

Il existe d’autres techniques d’accompagnement d’aide à l’arrêt du tabac : entretien motivationnel, hypnose, cohérence cardiaque… avec une orientation spécifique du changement de comportement addictif (tabac, cannabis, alcool) mais aussi de la gestion du stress puisque l’un est souvent lié avec l’autre.

Vous parlez de motivation. Cela paraît élémentaire. Ce n’est pas un prérequis ?

Si la motivation à l’arrêt est encore fragile, incertaine, coincée entre la volonté de continuer à fumer tout en évitant les risques, ce n’est pas le moment pour arrêter de fumer. L’entretien motivationnel permet justement d’interroger les doutes et de donner suffisamment de force à la motivation pour rendre le sevrage possible. Prendre le temps de mûrir sadécision, c’est se préparer sereinement. Une ou plusieurs séances peuvent être nécessaires jusqu’à la prise de décision, cela est normal. Les consultations suivantes permettront de maintenir le cap fixé et d’envisager, de façon plus générale, un mode de vie plus sain.

L’hypnose fait en ce moment beaucoup parler. Pour le tabagisme, ça marche ?

L’utilisation de l’hypnose ne se substitue à aucun avis ni traitement médical mais peut se révéler très efficace en complément d’autres techniques d’accompagnement. L’intérêt majeur de l’hypnose, c’est de permettre d’accéder aux ressources potentielles, de mobiliser les images, des ressentis et des pensées ouvrant sur des changements significatifs. C’est une sorte de sommeil éveillé dans lequel l’inconscient, en toute sécurité, est sollicité pour vous permettre de trouver la solution à votre problème. Spécifiquement pour l’arrêt du tabac, on travaillera plus particulièrement sur la gestion du stress, la crainte de devenir irritable, la peur d’échouer, la crainte de prendre du poids, le goût, la respiration, la liberté retrouvée…en fonction de votre relation personnelle avec la cigarette.

L’hypnose est un outil formidable, avec un taux de réussite important. Elle demande que vous soyez volontaire et motivé. Il ne s’agit ni d’un coup de baguette magique ni d’une méthode passive.

Aller plus loin :

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