DIRE STOP AU TABOU DU DIABÈTE !

Publié le Jeudi 27 octobre 2022

Face au diabète, il y a mille façons d’agir. Sur le terrain, retrouvons Céline et Isabelle. L’une est infirmière, l’autre, coordinatrice d’une CPTS tout près de Montpellier. Et pour chacune d’elles, un même constat au quotidien : le diabète est soit totalement tabou, soit banalisé au point que certains patients mettent, par ignorance ou volonté de fermer les yeux, leur vie en danger. Elles racontent.

Sur le terrain, retrouvons aujourd’hui Céline et Isabelle pour évoquer sans tabou ce sujet majeur de santé publique et illustrer quelques solutions mises en place pour y répondre.

Petites causes, grandes conséquences… “C’est l’effet papillon. Pourtant jolie comme expression….” Il y a fort à parier qu’à la lecture de ces quelques lignes, la mélodie de la célèbre chanson de Bénabar résonnera immédiatement dans votre tête. Mais vous souvenez-vous des paroles qui suivent ? Petit indice, elles mettent l’accent sur le poids de nos actes et s’achèvent texto par un avertissement : “petites choses, dégâts IMMENSES”. Voilà une introduction toute trouvée pour aborder le sujet de nos patients diabétiques pour qui, nous le savons, ni le refrain ni la mélodie ne risquent de s’envoler d’un simple battement d’aile… Pire, à omettre de se dépister, à minimiser la situation ou à refuser d’admettre qu’un traitement est nécessaire, certains vont jusqu’à courir le risque de subir des revers bien plus graves…

Exemple avec ce septuagénaire que visite quotidiennement notre consœur Céline Avignon, installée à Valergues, près de Montpellier, dans l’Hérault. Ce patient, à qui un diabète de type 2 avait pourtant été diagnostiqué, refusait d’être suivi et accompagné dans l’observance de son traitement. Il s’était enfermé dans le déni. Malheureusement, un changement anodin comme le renouvellement d’une paire de chaussures l’aura conduit, en seulement quelques semaines, à l’amputation. “Cela aurait pourtant pu être évité”, estime Céline Avignon. Elle précise : “Tout est parti d’une simple ampoule au talon provoquée par le frottement du soulier neuf sur un pied rendu insensible par le diabète. Classique. Mais en refusant le suivi infirmier, une ostéite s’est déclarée, provoquant une infection grave que les antibiotiques n’auront pas suffi à endiguer…” Son obstination et son refus d’un soin ponctuel lui valent aujourd’hui trois visites quotidiennes et une mobilité grandement réduite.

“Le diabète, cela n’arrive pas qu’aux autres”

Le diabète, un sujet trop banal ?

“Il ne faut pas avoir peur des mots et faire entendre une fois pour toutes aux patients que le diabète, ce n’est pas une vilaine petite contrariété, mais une vraie maladie, qui concerne une nombre croissant de personnes, et qui peut avoir des conséquences désastreuses sur une vie, y compris d’un point de vue psychologique !”, estime Isabelle Mendez. Coordinatrice de la CPTS du Bérange, elle, est engagée au service de plusieurs actions de santé publique en lien avec le diabète (voir encadré). “Malheureusement, on oublie que l’on peut se retrouver amputé d’un membre, voire pire encore pour les cas graves ! Comment accepter, aussi, la contrainte qui consiste à suivre, toute sa vie, un régime strict, qui n’autorise que peu d’écarts ?”, questionne-t-elle. La réponse appartient aux patients, de plus en plus nombreux. Et s’ils ne sont pas tous âgés ou en situation de surpoids - les antécédents familiaux et l’hygiène de vie entrant évidemment en jeu - leur proportion bondit toutefois chez les seniors. Sur le périmètre de la CPTS Occitanie Méditerranée (Carnon - Palavas, La Grande-Motte, Le Grau-du-Roi) voisine que gère aussi Isabelle, 5.7 % de la population est atteinte d’un diabète 1 ou 2. “C’est au-delà de la moyenne nationale”, souligne-t-elle. Un chiffre qui ne tient bien évidemment pas compte des patients qui s’ignorent et qui évoluent en dehors des contrôles de routine.

Le dépistage, une étape essentielle

Pour tenter de remédier à ce fléau, de prévenir l’apparition du diabète ou d’accompagner au mieux les patients qui en seraient déjà atteints, la CPTS du Bérange mettait en place, en juin dernier, une action de sensibilisation visant à proposer un dépistage gratuit à la population présente sur son bassin de vie, mais aussi à prodiguer les premiers conseils en matière de nutrition/diététique et à réadresser les patients diagnostiqués vers un médecin. Tout le matériel nécessaire au travail de dépistage était alors fourni aux professionnels de santé participant à l’opération et une campagne de communication avait été mise en place. Bilan de l’opération, qui se tenait sur une journée : 150 personnes testées, auxquelles il faut ajouter les personnes diagnostiquées le 14 novembre suivant, dans le cadre d’une action similaire qui se tenait pour la Journée mondiale du diabète.

“Les résultats obtenus sont la preuve qu’une action coordonnée, menée au coeur des territoires et à proximité des patients, est efficace”, analyse Isabelle Mendez, qui planche d’ailleurs actuellement sur la mise en place d’un référentiel qui listerait les professionnels de soins capables d’apporter une réponse experte aux sujets diabétiques : pédicures, podologues, infirmiers, réseaux de santé… “Beaucoup de professionnels ignorent bien souvent qu’ils disposent, à proximité, de compétences essentielles. Les cartographier et les communiquer fait partie des missions de notre CPTS. Cela, afin de faciliter le parcours de soin des patients, tout en contribuant à améliorer les conditions d’exercice de ces acteurs de santé sur le territoire", estime Isabelle.

“On ne peut pas laisser la place au doute”

De la ressource, justement, on en retrouve chez nombre de nos confrères et notamment chez Céline, notre consœur installée à Valergues. Diplômée d’État, elle a en effet obtenu un D.U en Éducation Thérapeutique du patient (ETP) et, validé, il y a quelques semaines, un Master II en sciences de l’éducation (RISO). Active sur le sujet de la prévention et du dépistage depuis longtemps, elle fait preuve d’une vigilance renforcée auprès des patients de son village, qu’elle est amenée à croiser régulièrement. “Que ce soit dans le cadre d’un rendez-vous au cabinet ou d’une visite à domicile, je suggère ponctuellement de réaliser une glycémie capillaire pour analyser des indicateurs clés. Pour ceux que je sais déjà diabétiques, j’en réalise à chaque visite, deux ou trois fois par jour si nécessaire, car l’observance du traitement n’est jamais garantie à 100%”, précise-t-elle. Pour éviter les amputations, elle surveille aussi les plaies et les pieds de ses patients avec la plus grande attention, vérifie leur tension… Avec ses associés, elle a même mis en place des permanences au sein de son cabinet infirmier pour la réfection des pansements, la réalisation de prises de sang, la vaccination bien sûr. “Cela pourrait plus largement concerner le dépistage de maladies chroniques et morbides ! Ainsi, les glycémies capillaires pourraient être réalisées une, deux, voire 3 fois avant qu’on oriente le patient vers le médecin, pour une exploration plus profonde en cas de mauvais résultats à jeun”, précise-t-elle. Des créneaux sont proposés 6J/7.

Pour ne pas laisser la place au doute, nombreux sont les infirmiers, impliqués, comme elle, dans le dépistage du diabète. Ainsi, si une prise de sang ou une glycémie capillaire révèle des facteurs de risque, une deuxième voire une troisième vérification (suivi d’une autre analyse) est réalisée. Et quand la suspicion laisse place à la réalité du diagnostic, le patient est orienté vers son médecin traitant et se dessine alors un parcours de soin adapté. Un autre travail débute ainsi, celui du soin. Protéiforme, exigeant, technique, rarement solitaire, souvent complexe… Y compris d’un point de vue pédagogique ! En effet, comme le déplorent Céline et Isabelle, à l’inverse du tabac, le mal diabétique ne fait pas peur et ne fait pas l’objet de campagnes chocs sur ses ravages. Mais de l’avis de toutes et tous, l’effet papillon agit ici aussi. Vous connaissez la chanson…