Integrer l’éthique au quotidien : 3 questions au Pr. Michel Clanet

Publié le Mercredi 26 novembre 2025

Michel Clanet est Professeur émérite à l’Université de Toulouse et Directeur de l’Espace de réflexion Éthique Occitanie. Nous l’avons rencontré.

Comment les questions éthiques peuvent-elles trouver leur place, de façon pratique et pragmatique, dans le quotidien professionnel des IDEL ?
Comme le propose le Pr. Fabrice Gzil, l’éthique est une articulation entre un engagement et un questionnement : engagement dans un comportement quotidien de soins qui a intégré des règles, des compétences, des valeurs ; questionnement quand émerge l’inquiétude sur le sens et l’objectif de l’acte de soin, « ai-je bien fait dans ce que j’ai fait ? ».
Dans les situations difficiles, ce questionnement conduit à un frottement des valeurs, ce que l’on appelle le « dilemme éthique », qui peut conduire à un sentiment d’inconfort du soignant, parfois même à la souffrance éthique au travail.
Cette interrogation d’abord individuelle doit conduire à une réunion collective pour une réflexion collégiale autour de ces situations. Tous ces aspects de l’éthique du soin et de l’accompagnement sont abordés par les Espaces de réflexion éthique régionaux (ERER).
Comme tous les ERER, l’Espace de réflexion éthique Occitanie (ERE O) a des missions de formation multimodale destinée aux professionnels du soin et de l’accompagnement (formations dans les établissements ou les structures libérales, organisation de réunions multiprofessionnelles, web-conférences, colloques, documents de formation). Mais étroitement associés au Comité consultatif national d’éthique (CCNE), les ERER ont aussi une mission d’acculturation des citoyens aux aspects éthiques de la vie et de la santé, la bioéthique.

Outre les actualités, le site internet de l’ERE Occitanie ere-occitanie.org propose des vidéos de formation ou de captation des évènements, des documents destinés aux professionnels comme ces guides, des dossiers à thème sur les grands sujets de la bioéthique…

La lecture de ce Guide nous invite à remettre en question nos propres définitions de soin, de la vulnérabilité. Comment s’assurer qu’on agit véritablement « avec éthique » ?
L’interrogation sur le sens et la visée de son acte est le début d’une prise de conscience de son mode d’agir. C’est le moment où l’on ressent que ses propres valeurs morales sont en conflit avec les règles et contraintes professionnelles.
Et souvent ce questionnement ne peut se résoudre individuellement. C’est le moment d’entrer dans une démarche de réflexion éthique collégiale. Elle est marquée par la mise en œuvre d’une réunion de professionnels issus des divers métiers du soin ou de l’accompagnement, mais aussi de personnalités extérieures au collectif soignant, éventuellement d’experts, de représentants des usagers ou du monde associatif. La démarche collégiale est le moment majeur de cette réflexion dans laquelle, sans aucune autorité hiérarchique, la parole de chacun est écoutée et respectée. La complexité de la situation est ainsi éclairée par des regards multiples qui vont contribuer à façonner la ou les réponses les mieux adaptées.

Les guides à destination des professionnels du soin « La démarche de réflexion éthique dans la décision en santé », « La collégialité dans les soins à domicile », diffusés par l’ERE Occitanie et accessibles sur son site internet, abordent ces sujets dans le détail.

La vulnérabilité, un sujet « ordinaire » ?
Comme le précise ce guide, « La vulnérabilité dans les soins à domicile », les soignants du domicile sont fréquemment confrontés à la vulnérabilité ordinaire, physique et sociale. Et cette confrontation leur fait appréhender leur propre vulnérabilité devant des situations difficiles à soigner ou accompagner.
Elles appellent à la rencontre collégiale et à la mobilisation coordonnée des ressources sanitaires et sociales. Le guide met en particulier l’accent sur la grande vulnérabilité, dite survulnérabilité, qui accumule sur une même personne déficiences physiques, comorbidité et précarité sociale, moment de l’appel à un véritable décloisonnement entre soin somatique et soin social, entre soin hospitalier et soin de ville.