JE SUIS TEMOIN

Les infirmiers libéraux peuvent être témoins ou suspecter de violences constatées dans le cadre de la prise en charge de leurs patients à domicile (Violences conjugales ; maltraitances physiques, psychologiques, financières, etc. ... ). Comment les repérer ? Comment les signaler ? Comment accompagner au mieux les victimes et savoir vers qui les orienter ? Vous trouverez les réponses à ces questions dans cette rubrique.

Un infirmier, et tout particulièrement un infirmier libéral en raison de son intervention à domicile, peut être témoin d’actes de violences sur un patient ou sur une personne de son entourage (violences conjugales ; maltraitances sur un mineur, une personne âgée, handicapée, etc...).

S’il discerne ou repère des faits susceptibles d’être constitutifs de violences, l’infirmier se doit déontologiquement et légalement d’agir :

👉L’article R. 4311-5 du code de la santé publique précise que « dans le cadre de son rôle propre, l’infirmier ou l’infirmière accomplit les actes ou dispense les soins suivants visant à identifier les risques et à assurer le confort et la sécurité de la personne et de son environnement et comprenant son information et celle de son entourage ». Le « dépistage » et « l’évaluation des risques de maltraitance » ; l’ « aide et (le) soutien psychologique » y sont expressément mentionnés.

👉L’article R4312-18 du code de la santé publique (article 18 du code de déontologie des infirmiers) prévoit que s’il discerne des «  sévices », « privations », des « mauvais traitements  » ou des « atteintes sexuelles », l’infirmier « doit mettre en œuvre, en faisant preuve de prudence et de circonspection, les moyens les plus adéquats pour protéger ».

« S’il s’agit d’un mineur ou d’une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge, d’une maladie ou de son état physique ou psychique, l’infirmier doit, sauf circonstances particulières qu’il apprécie en conscience, alerter les autorités judiciaires, médicales ou administratives  ».

Comment repérer les signes ?

1. Je me forme
  • Sur les différentes formes des violences ; leurs mécanismes et leurs conséquences sur les victimes
  • Sur les pratiques professionnelles pour mieux repérer, accompagner et orienter les femmes victimes

Comment puis-je me former au repérage ?

  • Notamment en téléchargeant des kits pédagogiques : LIEN
    sps / previos
  • Ou encore en m’inscrivant à des formations via la plateforme SPS ou encore le réseau PREVIOS
  • Autres liens utiles concernant les outils de repérages : LIEN
2. Face à une victime, je crée un climat de confiance d’écoute et de sécurité pour mieux discerner sa situation et libérer sa parole.
  • La victime doit se sentir entendue, acceptée, non jugée dans ce qu’elle vit.
Recommandations :
  • Parler d’un ton calme et rassurant et ne pas avoir de gestes brutaux pour faire baisser l’angoisse de la victime.
  • Ne pas banaliser ou minimiser les faits.
  • Ecarter tout préjugé ou présupposé sur la situation et sur la victime.
  • Ne pas tenir un discours infantilisant, moralisateur ou culpabilisant,
  • Etre attentif aux aspects non verbaux (gestes, regards, attitudes, pleurs, pâleurs, mimiques,…) ; aux signes des violences, notamment les problèmes de santé chroniques, les blessures à répétition, les différentes formes de dépendance (alcool, stupéfiant, médicaments,...) tentative de suicide, dépression, etc.
  • Le processus de libération peut être plus ou moins long :
    👉Soutenir la parole de la victime, par des gestes et des propos (hochement de la tête, regards,…).
    👉La déculpabiliser en lui signifiant qu’aucune attitude de sa part ne justifie une agression.
    👉Rappeler que les actes et les paroles dénoncés sont interdits et punis par la loi
👉A DIRE  :
« Je vous crois. » « Vous n’y êtes pour rien. » « L’agresseur est le ou la seul.e responsable. » « La loi interdit et punit les violences. »
« Quelles que soient les explications ou justifications, il.elle n’a pas le droit de vous agresser. » « Le seul responsable des violences c’est votre conjoint. » « Rien ne justifie les violences. » « Vous êtes quelqu’un de bien et de respectable. »

👉A ÉVITER
« Vous êtes resté.e avec cette personne pendant tout ce temps ! » « Pourquoi vous acceptez ça ? » « Vous vous rendez compte de ce qu’il.elle vous fait subir ? » « C’est un.e malade ! » « Pourquoi vous ne voulez pas partir ? » « Êtes-vous conscient.e que vous ne protégez pas vos enfants ? »

Comment évaluer la situation ?

Vous devez évaluer la situation pour protéger la victimes le plus en amont possible.

Comment ? A l’aide d’outils tels que :

  • Le violentomètre pour « mesurer » la violence dans un couple : LIEN
  • Des grilles pour évaluer d’évaluations de la maltraitance intrafamiliale : LIEN => Vous y trouverez les guides suivants :
    👉Évaluation du risque de maltraitance intrafamiliale sur personnes majeures en situation de vulnérabilité
    👉Maltraitance sur personnes âgées - Grille de repérage
    👉Violences conjugales - Grille de repérage
    👉Parents violentés - Grille de repérage
Que faire suivant que l’évaluation des risques montre qu’il existe un danger potentiel ou un danger immédiat ?
Danger potentiel
  • Face à un mineur ou majeur vulnérable, en danger ou en risque de l’être, vous devez alerter le service du conseil départemental territorialement compétent, généralement la Crip (cellule de recueil des informations préoccupantes) : Coordonnées des CRIP par département.
Vous devez réaliser une "Information préoccupante" sur l’existence d’un danger ou risque de danger pour un mineur ou majeur vulnérable :

• Soit que la santé, la sécurité ou la moralité du mineur ou majeur vulnérable, soient considérées être en danger ou en risque de danger ;
• Soit que les conditions de l’éducation d’un mineur ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social soient considérées être gravement compromises ou en risque de l’être.
[Modèle Information préoccupante]

Danger immédiat
  • Face à une "danger imminent"*, vous devez réaliser un signalement auprès du Procureur de la République du Tribunal judiciaire compétent : cf. lieu des faits/lieu du domicile de la patiente : Annuaire des juridictions).

* Situation où une personne est menacée dans sa sécurité ou dans son existence et dont l’inaction est susceptible d’entraîner un préjudice irréparable. Le terme “imminent” représente la nature du danger et signifie qu’il est sur le point de se produire.

La saisine du Procureur peut se faire par téléphone mais avec une confirmation par un courrier écrit, signé, daté ou par un courriel pour accélérer la prise en charge [Modèle signalement ]
Face à une victime majeure

Son consentement est en principe requis pour tout signalement, néanmoins l’article 226-14 du code pénal autorise dans certains cas, tout professionnel de santé à agir sans le consentement de la victime.

👉Si elle est en état de se protéger et refuse tout signalement :

Vous ne pouvez aller à l’encontre de son refus mais vous pouvez lui communiquer les numéros d’urgences, les coordonnées d’associations d’aide aux victimes. Lui recommander de rassembler des preuves (Voir ci-après). L’informer de son droit de porter plainte voire de déposer une main courante qui pourra constituer un début de preuve dans une procédure judiciaire.

👉Si elle refuse tout signalement mais n’est pas en mesure de se protéger en raison de la contrainte morale résultant de l’emprise* exercée par l’auteur des violences ou en raison de son âge, de son incapacité physique et/ou psychique</violet ;
OU
👉Si vous estimez en conscience que la situation met la vie de la victime majeure en danger imminent :

Vous pouvez procéder à un signalement sans son consentement mais devrez au préalable l’informer de votre démarche.

=> Télécharger : Modèle signalement concernant une victime de violences conjugales à adapter suivant le cadre des violences

* Emprise : Rapport de domination. La notion d’emprise est rattachée à celle de contrainte qui se détermine comme une violence physique ou morale exercée contre une personne afin de l’obliger à agir contre sa volonté et contre elle-même.

J’informe et j’oriente la victime

  • Je mets à sa disposition des numéros utiles (Dans la salle d’attente : Flyers / Affiches dans la salle d’attente ; mettre des affiches et brochures à disposition des patients : SUPPORTS )
  • Je lui recommande de rassembler des preuves (Photos / témoignages des voisins, des amis, de la famille - qui ont été témoins ou auprès desquels je me suis confié.e- / messages (lettre ou petit mot écrit, sms, mail, écrit sur les réseaux sociaux, message vocal, …) / enregistrements vocaux ou vidéos) certificats médicaux (médecin traitant, médecin des urgences, psychologue, médecin de PMI,…) mais aussi attestation infirmière.
En tant qu’infirmier, sur demande de la victime, j’établis une attestation de clinique infirmière que je lui remets en original et j’en conserve une copie dans son dossier :

Modèle d’attestation / Notice

  • Je l’oriente vers un Bureau d’Aide aux Victimes (Annuaire des BAV) et autres associations : LIEN
  • J’informe la victime de ses droits :

👉Je lui recommande de porter plainte en Gendarmerie ou commissariat ou en cas de réticence, dans un premier temps simplement de déposer une main courante

Veillez à ne pas proposer à la victime des démarches hors de sa portée et restez à l’écoute. Vous pouvez lui dire « Réfléchissez à ce que je vous ai dit et sachez que si vous avez besoin d’une aide ultérieurement ou si vous avez des questions, vous pouvez venir me voir. »

👉Femme en danger :

Si la patiente souhaite quitter le domicile :
° Informer du droit de quitter le domicile conjugal avec les enfants, en le signalant aux autorités.
° L’aider à trouver un hébergement d’urgence et le moyen de s’y rendre.
° Si un hébergement d’urgence n’est pas possible : faire hospitaliser la patiente.
Si la patiente ne veut / ne peut pas quitter le domicile  :
° Informer du droit de saisir en urgence le juge aux affaires familiales, même sans dépôt de plainte, pour demander une ordonnance de protection.
° Revoir avec elle le plan de sécurité et les numéros d’urgence.
° Possibilité pour le médecin d’effectuer un signalement.